Muoch. Muoll. Bueurk.
Franchement, quand je vais essayer une meule je caresse généralement le doux espoir qu’elle me plaise où qu’elle me fasse découvrir quelque chose de nouveau.
Las, je suis descendu de la 1125R déçu. Qu’elle soit moche est une chose, elle aurait pu avoir un coeur d’or, tel les vilains canards que sont la 999 et la 690 SM. Mais non, sale gueule et moteur fade. Déjà à ce niveau on touche le fond, pourtant la 1125R continue de creuser
avec vigueur grâce à son chassis aussi pourri que la moto est laide. Non, là je dis respect quand même ! 
Bon, mon cousin m’avait prévenu la semaine dernière. Il avait trouvé la moto tellement nulle qu’il en riait presque. M’enfin bon on ne sait jamais je lui trouverai peut-être des charmes à la coquine, on est pas toujours du même avis. Beau temps,
rien de prévu, hop coup de tel au concess de la région, c’est bon je peux passer. La 1125R est garée dehors. Je courre vite lacher un petit raoul en la voyant et me glisse dans la concession en évitant de la regarder pour ne pas remettre çà . 
Faut dire qu’un gros vomi en plein milieu de la concession Harley ça le ferait pas trop. Ici, c’est du rebelle friqué, tête de morts et coiffures argent sur fond de rock,
je ne devrais pas me faire agresser par un Hell’s Angel dans l’immédiat. Ce qui n’empèche pas le vendeur d’être hyper bonnard, éclectique, complètement passionné, bien cool quoi. J’en boirais presque ses impressions sur la 1125R
"super sensations... un 1125CR à venir qui atomise la concurrence... Moteur extraordinaire... Moto réglée pour ton poids... Je te chauffe les pneus (-tiens, c’est une première ça-) ... 146 bourrins full (...etc)". Il sait faire envie.
Hop, hop, me voilà sur la moto. Rétros pas super lisibles mais faciles à régler y’en a un qui tient je ne sais pas comment, mais pas comme il devrait en tout cas.
Commodos des années 80, commodos jusqu’au bout des seins (à la Sardou) heu, bref, leviers (avec un S) réglables, petit tableau de bord sans prétention sauf une, indiquer la température exterieure et du moteur. Drôlerie, dès qu’on roule il fait 5° plus chaud.
La position me va bien, pas extrème pour qui a l’habitude des sportives (mais la selle se rappelera vite à mon bon souvenir).
Coupe-contact si on tente de démarrer avec la béquille. C’est parti. La pédale de frein et le sélecteur sont un peu trop rentrés, il faut les chercher.
Tout comme le point mort pas super facile à trouver. D’une manière générale la boite n’était pas très agréable. Le frein avant est bien mordant, d’une puissance honnête sans être scotchant. Le frein arrière est timide mais pour rattraper une trajectoire y’a moyen de s’en contenter. Et c’est heureux car niveau frein moteur, y’a rien de rien.
Sûrement un anti-dribble ou quoi mais pour ralentir il ne suffira pas de couper les gazs, du coup pour de l’enroulage sur le couple c’est un peu raté...
Pour le reste le moteur est sans intérêt. Impossible de sentir les palpitations du moteur (

attrait principal d’un V-twin à mes yeux), pas sûr qu’un pot aide beaucoup. Très linéaire, ça pourrait être intéressant pour les wheels mais je ne suis pas arrivé à la faire décoller en deux, malgré sa
grosse patate et l’empattement liliputien. Et niveau souplesse en ouvrant à 3000 en 3 la moto s’est presque évanouie

avant de m’envoyer toute la purée dans la gueule à 4000 ?!

Mais je pense qu’elle avait un souci d’injection, ça ne pouvait pas être un comportement normal, c’était trop brutal, imagine en sortie de courbe sur l’angle, sans rire, tu t’envoles !

De plus en ville elle avait aussi des hochets bizarres, l’injection donnant l’impression de s’arrêter ou de ralentir avant de repartir sans raison. Si je rajoute
l’impression de ne pas pouvoir tourner la moto à basse vitesse et d’avoir un train avant guidonnage-friendly je pense que t’imagines comme j’étais confiant au moment d’aborder les virolos...

Et bien ça n’a pas manqué ! Dans le moindre virage à la con il fallait que j’accompagne vachement la moto pour être sur qu’elle n’allait pas faire sa vicieuse. Et malgré ça elle se tortillait (les vicieuses qui se tortillent d’habitude ça ne me déplait pas

), et soucissonnait tout ce qu’elle pouvait.
Du coup je me suis arrêté voir les réglages. Le vendeur disait qu’il me l’avait réglé à mon poids (mais ne semblait pas connaitre la différence entre précharge et hydraulique

). Rapidos j’ai eu l’impression que l’avant était rapide en détente et l’arrière fermé. Alors on va dire qu’avec les bons réglages elle doit être sympa (gros bénéfice du doute avec son chassis aux réglages casse-burnes), mais vu l’abysse où elle se trouve ça ne la fait pas remonter de beaucoup. En l’état, sans plaisanterie, le chassis de
ma 750 H2B est 34 (nombre d’années les séparant

) fois mieux.
A mon avis, Buell s’est magnifiquement gourré sur la clientèle ciblée. Lorsqu’ils ont présenté leur
1125R ils ont invité tous leurs vendeurs sur circuit où ils ont pu la comparer aux RC8, grosses japonaises et autres top sportives.

Perso -je sais pas hein- l’idée que je me fais d’une Buell c’est "une machine originale et à sensations pour se faire grave plaisir sur la route sans chercher la perf ultime". A priori le kiff de la
1125R c’est plutot d’en découdre sur piste,

ce qui justifierait les 150 bourrins ou presque, l’absence totale de frein moteur et que les sensations moteur ne fassent pas parti du cahier des charges.
Mais vraiment, tu prendrais, toi, une moto de ce genre pour pister ?

Dont la fiabilité reste à prouver (et je crois qu’il y a du taff à ce niveau) ? Avec des carénages qui ne demandent qu’à se broyer à la moindre chute à l’arrêt ? Un monodisque de 375 mm et les pauvres plaquettes qui vont pleurer en deux tours ? Un chassis tout bizarre super chiant à régler ? Ok y’aura bien quelques allumés pour le faire (masochisme ?

volonté aveugle de se distinguer ? traine-teub qui n’irait pas plus vite
en Desmosedici ?). Tant pis pour les 99% (de pas beaucoup de Buellistes) qui utilisent leur meule sur route.
La Buell qui me ferait réver,

moi, celle que j’attends en fait, m’offrira des palpitations digne des meilleures Moto-Guzzi (ou Harley, ou Ducati, ou monos KTM, voir des
TL1000 Suz’), ce qu’il faut de frein moteur pour enrouler, un peu de son, un chassis sportif simple à régler et une gueule qui ne me fasse pas remonter le repas du midi.

Faut croire que c’est trop demander. (Conclusion alternative : tout le contraire de cette merde.)